• Les glaciers Fox et Franz Joseph


    Symboliquement cette étape à vélo dans l’île du Sud a commencé le 1er janvier. Nouvelle année, nouvelles aventures !

    Fort de l’expérience acquise dans l’île du Nord, j’étais prêts à affronter la route et ses aléas une nouvelle fois.

    A ce moment là, je ne savais pas encore que techniquement, physiquement et psychologiquement j'allais être mis à rude épreuve très rapidement.

    Le voyage à vélo ne s'apprend pas en quinze jours. C'est un mélange de compétences techniques, de résistance physique et psychologique qui interfèrent en permanence...Et quand l'un de ces facteurs fait défaut, c'est le vélo, innocente victime de ce triptyque propre au cycliste, qui n'avance pas ou plus vraiment.

    J'en ai fait l’amère expérience dès le premier jour !

    J'ai subi ma première panne technique que je qualifierais de sérieuse.

    Sérieuse car de tous les problèmes qui auraient pu m'arriver, c'est bien évidemment tombé sur celui que je ne savais pas résoudre !

    La première ville dans laquelle je pouvais trouver un "vélociste" était à environ  trente kilomètres. Il ne me restait plus qu'à pousser...Oui, pousser, afin de ne pas enfreindre les deux règles que je m’étais fixées au départ, dans l’île du Nord :

    Sur le parcours défini, en cas de météo exécrable, le seul abri pour la nuit devait rester la tente.

    En cas de problèmes techniques, je devais trouver une solution en utilisant le seul moyen de locomotion qu'il me restait : mes jambes !

    Elles étaient simples et ajoutaient un peu de difficulté au voyage...La facilité pouvait vite devenir monotone !!

    Lorsque j'ai laisse le vélo au magasin, entre les mains d'un spécialiste, un drôle de sentiment s'est emparé de moi...En sortant, je l'ai regardé du coin de l’œil, il était pose sur l’établi et j'ai eu envie de lui dire :

    "Courage, ça va aller, je reviens tout a l'heure..."

    Avais-je franchi une limite dans mon esprit ? Un point de non retour ?

    Tout ce que je savais c’était que ce vélo me permettait de vivre une belle aventure. Il méritait donc toute mon attention et les meilleurs soins possibles !

    Deux heures plus tard il était comme neuf et je commençais à pédaler vers l'ouest. J'avais prévu de faire soixante-dix kilomètres afin de rattraper le retard pris ces deux derniers jours.

    Mais c’était sans compter sur un élément que je n'avais pas encore vraiment affronter : le vent...

    Celui-ci, orientait plein ouest, soufflait toute sa fureur, sa rage, dans une seule direction : la mienne !

    Avancer dans ces conditions c’était lutter contre un ennemi invisible. Je ne pouvais pas l’éviter, l’écarter d'un geste de la main. Il était partout et tout le temps.

    Il n'y avait qu'une chose à faire, pédaler et encore pédaler, afin de trouver un endroit où planter la tente car dans ce combat il ne pouvait y avoir qu'un seul vainqueur : le vent ! Il avait beau soufflé pendant des heures, il ne s’épuisait pas...Ce qui n'était pas le cas du cycliste !

    Ce soir la, fatigué, je pensais faire une longue nuit pour récupérer des efforts fournis...Mais, encore une fois, c’était sans compter sur la plus grosse tempête qu'ait connu la Nouvelle Zélande cette année. Le vent et la pluie ont joué de concert pendant des heures. Je me suis retrouve à épongé l’intérieur de la tente , inondée par un sol détrempé. Les bourrasques m'ont obligé à tenir certaines parties de la toile afin que les piquets ne soient pas arrachés du sol.

    Dormir n’était plus vraiment une priorité à ce moment là !

    La tempête est venue, la tempête est partie, en laissant derrière elle un cycliste éprouvé par une nuit assez rude.

    Mais au petit matin, un ciel tout bleu, illuminait par un soleil éclatant, ont vite fait d'effacer les mauvais souvenirs des dernières heures.

    J'ai repris la route avec mon nouvel ennemi, le vent, qui avait l'air bien décidé à m'user chaque jour un peu plus...

    Mais la beauté des paysages, avec l'apparition des montagnes et des lacs, m'a redonné un second souffle et un regain d’énergie !

    La montagne a toujours exercé un effet étrange sur l’être humain.

    Quand on la voit, immensité rocheuse donnant au paysage une impression de force tranquille et de souveraineté sur l'environnement proche, l'envie de la parcourir et d'atteindre le sommet sont plus forts que tout !

    Mais pourquoi marcher des heures durant, voire plusieurs jours, sur des sentiers difficiles et des pentes avec un fort dénivelé, afin d'atteindre un sommet qui n'en finit plus de nous appeler à chaque pas, à chaque regard qu'on lui porte ?

    Est-ce simplement pour la vue ? Est-ce pour l'exploit, le défi physique que représente l'ascension comme le font ces extrémistes de l'Himalaya ? Ou est-ce tout autre chose ?

    Quelque chose qui échappe à l'explication rationnelle? Quelque chose de plus intérieur qu'on ne peut pas mettre en mots ? Une sorte d'alchimie avec ce colosse au pied de roche...

    A chacun d’éprouver son ressenti en arpentant patiemment les sentiers de montagne...Si difficiles puissent-ils être...

    Ces quatre cent vingt kilomètres pour arriver sur la côte ouest ont été les plus difficiles depuis décembre. Le petit cadeau de fin de parcours a été la route de Wesport à Greymouth. De belles et jolies montagnes   russes, avec un fort vent de sud, sur cent kilomètres, afin que je n'oublie jamais cette journée !

    J'ai donc pris trois jours de repos afin d'aller randonner vers les deux glaciers Fox et Franz Joseph...Si réputés en Nouvelle Zélande...

    Le souvenir des glaciers de Norvège a refait surface. Ces immenses langues glacières, épaisses de plusieurs dizaines de mètres, passant du blanc au bleu pour les couches les plus anciennes et représentant pour le néophyte de gros blocs de glace, sont en réalité pour le scientifique averti une source d'information très précises sur les conditions météorologiques passées et leur évolution au fil des millénaires...Ce qui leur donne une importance et un rôle primordial pour comprendre les climats et leur évolution actuelle.

    Je suis donc allé marcher à la rencontre de ces deux géants de glace.

    Tout aurait dû se passer normalement si la veille une pluie torrentielle n'avait pas arroser les lieux, obligeant les autorités compétentes à interdire l’accès aux glaciers à moins de 1500 mètres.

    Ce n'est que de loin que j'ai pu les observer...

    J'ai été assez attristé pour plusieurs raisons.

    D'abord, l'endroit est très touristique et trop commercial. Ici et là des annonces vendent du rêve pour des prix exorbitants : tour en hélicoptère, en avion, visite guidée dans des bus plein à craquer....

    Ensuite le sentier tout tracé, très facile...Ce qui confère aux lieux un caractère trop lisse, presque aseptisés...Le charme de la découverte de ces deux glaciers m'est passé complètement à côté...

    Enfin peut-on vraiment parler de glaciers ?

    Triste constat de voir ce qu'il en reste par rapport à leur épaisseur et leur avancée il y a peine cent cinquante ans...Avant la révolution industrielle...

    Dans un futur proche maintenant, ils disparaîtront tous les deux...Ainsi que de nombreux autres sur la planète...

    Quelles en seront les conséquences ?

    C'est avec plein d'interrogations que je suis reparti vers Greymouth pour débuter la route qui m’emmènera à Kaikoura et qui marquera la fin de ce voyage à vélo.o...

     



     

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